Alors que la Suisse tente de recenser les sociétés militaires et de sécurité privées basées sur son sol, les révélations d’un média jusqu’ici inconnu, Le Week, soulignent avec acuité les risques de réputation liés au secteur.
Selon ce site d’information apparu il y a quelques jours, le patron de la société de sécurité Tara Consulting, basée au château de Vaumarcus près de Neuchâtel, est un ancien mercenaire. Il a participé au coup d’Etat manqué fomenté par Bob Denard aux Comores, en 1995. Il a aussi combattu aux côtés de la rébellion karen en Birmanie. Il aurait, selon une vidéo diffusée par Le Week, appris aux rebelles des techniques d’interrogatoire par simulation de noyade.
Tara Consulting est essentiellement active en Irak, où ses hommes protègent les émissaires de grandes entreprises, notamment françaises. Interrogé il y a quelques jours sur le cursus de son dirigeant, un autre associé de l’entreprise avait simplement évoqué sa «formation militaire dans l’armée française», sans autres précisions.
«Elucubrations»
Plus problématique, l’article du site Le Week attribue au patron de Tara des propos antisémites et néonazis proférés dans des courriels et sur des profils créés sous des noms d’emprunt sur les réseaux sociaux. A l’appui de ses affirmations, le site produit de nombreuses captures d’écran et des e-mails écrits à l’époque où l’actuel patron de Tara travaillait pour une autre société de sécurité, Gallice.
Contacté par Le Temps, l’entrepreneur conteste avoir tenu ces propos. «Je rejette […] catégoriquement [les] élucubrat ions concernant des comptes ne m’appartenant pas», explique-t-il dans un e-mail. Il évoque de «faux courriels, faux Twitter, faux Facebook» fabriqués pour lui nuire et affirme qu’il portera plainte contre Le Week pour diffamation.
Le patron de Tara confirme en revanche avoir participé au coup d’Etat mercenaire de Bob Denard aux Comores et avoir aidé la guérilla karen. Il précise avoir un casier judiciaire vierge et se dit victime d’une cabale. Elle serait menée par son ex-compagne et d’anciens associés, devenus concurrents sur le marché très disputé de la sécurité privée en Irak.
A Berne, le dossier intéresse la Section services de sécurité privés (SSSP) du Département fédéral des affaires étrangères, chargé de surveiller le secteur. «Nous suivons de près la situation», dit son chef, Fulvio Massard. La SSSP affirme qu’elle connaissait certains des antécédents du patron de Tara Consulting. Les nouvelles allégations, en revanche, pourraient poser problème si elles devaient se confirmer. La SSSP précise, «sur un plan général», qu’elle peut prononcer des mesures allant jusqu’à interdire à une société d’exercer à l’étranger si elle a des doutes sur son activité.
Mais Berne se montrera prudent avant de réagir. Car le journaliste qui a sorti l’affaire, Jean-Paul Ney, est une personnalité controversée en France. Il a été condamné pour avoir profité d’une fuite policière et divulgué le nom des frères Kouachi, auteurs de l’attaque sanglante contre Charlie Hebdo en janvier 2015. Concernant Tara Consulting, Jean-Paul Ney se dit «béton» et promet de produire des preuves techniques de ses affirmations s’il est attaqué en justice.
@SylvainBesson