Le Matin: COLÈRE Propriétaire d’un «arsenal impressionnant», le Genevois appréhendé dans le cadre de la traque antiterroriste se livre.
«Avec ma gueule de dromadaire, ai-je l’air d’un néonazi crédible?» Behnam Najjari rigole mais il ne comprend pas. Cette semaine, le jeune homme s’est involontairement retrouvé mêlé à l’actualité hypertendue de Genève. En conférence de presse sur l’alerte antiterroriste, samedi, le procureur général genevois Olivier Jornot a ainsi évoqué «l’arsenal impressionnant» saisi deux jours plus tôt chez cet «adepte du survivalisme». Parmi la collection de l’inquiétant personnage présenté par les autorités: kalachnikovs, fusils américains M16, hache, pistolets Glock et une trentaine de fusils plus anciens. Un drapeau nazi venait en outre d’être découvert chez ce «proche de l’extrême droite».
Tout «en règle»
Problème: si le Genevois de 27 ans ne cache pas un goût particulièrement prononcé pour les armes à feu, il jure que toutes, jusqu’à la dernière balle, sont «en règle». Il ajoute avoir lui-même appelé la police, voici deux mois, pour déplacer des armes en toute sécurité, suite à un cambriolage à son domicile. Quant à son drapeau, un étendard de la marine de guerre sous le IIIe Reich, il appartiendrait, selon lui, à une collection comprenant aussi des objets soviétiques, suisses ou iraniens. «Oui, j’aime les armes et l’histoire militaire, mais, à écouter la conférence de presse, on avait l’impression qu’ils avaient découvert le nouveau Breivik(ndlr. terroriste d’extrême droite qui avait fait 77 morts en 2011 en Norvège). »
Radical politiquement, Behnam l’est. Sa bibliothèque, qui semble avoir beaucoup impressionné les autorités, voit se côtoyer des auteurs d’extrême droite, d’extrême gauche ainsi que des livres critiques des trois monothéismes, d’après ses explications. Etant lui-même d’origine étrangère et musulman, il précise se baser sur une vision idéologique et non raciste du nationalisme. «J’ai eu droit à huit d’heures d’interrogatoire, jeudi soir. A la fin, les enquêteurs m’ont demandé quel était mon combat. Je leur ai dit que c’était juste payer mes factures. »
Ce qui l’agace au plus haut point, c’est que son affaire ait été évoquée dans le cadre d’une conférence liée à la menace djihadiste visant Genève. «Franchement, je pense que j’ai été victime d’un coup de pute. Comme ils n’avaient rien sur les mecs qu’ils recherchaient, ils ont voulu se faire un buzz en se vantant d’avoir arrêté un mec surarmé. » Il s’est finalement envolé hier pour Londres, histoire de se changer les idées.
Piero San Giorgio outré
Le jeune homme n’est pas le seul à peu goûter la communication des autorités genevoises. Auteur de «Survivre à l’effondrement économique», Piero San Giorgio n’a pas non plus compris ce que le survivalisme venait faire dans l’équation: «Ce n’est ni une religion, ni une idéologie, ni une pensée politique. Ils ont amalgamé survivalisme, terrorisme et Behnam. » L’écrivain s’est fendu hier d’un communiqué indiquant qu’il n’était pas la personne qui avait été appréhendée. Dans ce texte, il dissocie totalement survivalisme et idéologie d’extrême droite. Chef de file des survivalistes avec son livre, il ne cache pas connaître Behnam Najjari: «Il m’avait invité, en 2012, à donner une première conférence à Genève. S’il a pu partir hier à Londres, c’est qu’ils n’avaient vraiment pas grand-chose contre lui. »
Vrai? Hier, la justice genevoise se bornait à répondre que la procédure «est en cours».
raphael. pomey@lematin. ch