Le Nouvelliste: SÉCURITÉ Le survivaliste fait partie d’un groupe de travail présenté officiellement à la presse par Oskar Freysinger. Retour, à travers ses propos et ceux qui circulent à son sujet, sur une personnalité souvent associée à l’extrême droite.
Hier, à la très officielle table du ministre UDC de la sécurité Oskar Freysinger, en conférence de presse tout aussi officielle, un écrivain et conférencier survivaliste à la réputation sulfureuse car souvent associé à l’extrême droite. L’image suscite des interrogations. Pourquoi adjoindre à un groupe de réflexion sur l’inventaire des risques auxquels l’Etat du Valais doit se préparer un consultant qui prédit pour 2025 un effondrement mondial à la fois économique, énergétique et politique? Un théoricien qui envisage un état de guerre généralisé auquel l’homme devra faire face et préconise la création de «bases autonomes durables» pour assurer sa subsistance, quitte à les défendre l’arme au poing? En septembre 2014, Oskar Freysinger avait déjà invité Piero San Giorgio – de son vrai nom Piero Falotti – pour un entretien vidéo encore visible sur le site du conseiller d’Etat intitulé: «Réflexion sur une crise à venir (ou pas…)». Un premier contact qui a donc débouché sur du concret et qui satisfait le conseiller d’Etat UDC (voir ci-contre).
A la droite de la droite?
Alors, qui est Piero San Giorgio? On sait de lui qu’il était un homme d’affaires redoutable, ancien du géant américain Oracle, actif dans le marketing international, travaillant en Afrique, au Moyen-Orient, en Europe de l’Est. Dans un entretien vidéo accordé au blogueur fasciste revendiqué Daniel Conversano paru sur YouTube il y a quelques jours, il explique qu’«ayant monté avec succès mon entreprise, puis l’ayant vendue, j’ai pu prendre ma retraite assez jeune et me consacrer depuis les années 2000 à ce que je vois comme une immense catastrophe qui est en train d’arriver».
Il est aussi un auteur publié aux Editions Le Retour aux sources (fondées par Michel Drac, proche de la mouvance identitaire), traduit dans plusieurs langues et ayant vendu plus de 100 000 exemplaires de ses différents ouvrages. On sait également qu’il est un conférencier qui dispense volontiers son savoir aux militants et sympathisants de mouvements radicaux, comme ceux gravitant autour de la boutique Terres celtiques à Grenoble (en juin 2012 en compagnie d’Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac de l’Œuvre française), les néofascistes italiens de Casapound (en mai 2015), ou les habitués du Local à Paris, bar appartenant à Serge Ayoub, fondateur du groupuscule Troisième voie aujourd’hui interdit et figure historique du mouvement skinhead néonazi parisien. Ou encore qu’il a été proche du polémiste Alain Soral, plusieurs fois condamné pour incitation à la haine raciale et membre de son mouvement Egalité & Réconciliation.
Conférence sédunoise controversée
La venue en Valais de Piero San Giorgio avait déjà suscité quelques vagues le 10 avril dernier. L’écrivain donnait une conférence publique à Sion, sur le thème «Survivre aux temps qui viennent». A l’origine de l’événement, le groupuscule nationaliste radical fondé en Valais Résistance helvétique, issu d’une scission avec le Parti nationaliste suisse (PNOS). «Une part non négligeable de mes lecteurs sont issus de l’extrême droite», concédait hier au «Temps» sur son site internet Piero San Giorgio, nuançant le propos en précisant que «ce sont eux qui sont proches de moi», sous-entendu: «et pas l’inverse».
«Je suis un démocrate, vraiment!»
Piero San Giorgio réfute l’étiquette d’extrême droite et n’a jamais été poursuivi pour ses propos. «Je suis un démocrate, vraiment», confie-t-il à Daniel Conversano. Sa pensée est souvent rapprochée du courant racialiste, qui divise le genre humain en différents groupes en fonction de facteurs biologiques et environnementaux. Pour lui, le temps de l’abondance touchant à sa fin, «différents groupes humains vont combattre pour la reproduction, les femmes, le territoire bien sûr, et les ressources, qu’elles soient liées à la nourriture ou à l’énergie», explique-t-il dans ce même entretien. «J’ai pris conscience de mon appartenance à un groupe, celui des Européens blancs, adaptés aux climats froids et à l’ensoleillement européens. Il y a une raison pour laquelle on est comme on est, avec nos adaptations physiques et intellectuelles, qui nous donnent dans certains domaines une supériorité nette et dans d’autres une infériorité nette», développe-t-il, citant au passage parmi ses influences David Duke, suprémaciste blanc qui fut membre du Kux Klux Klan ou l’auteur Jon Entine, qui dans son livre «Taboo: Why Black Athletes Dominate Sports and Why We Are Afraid to Talk About It» veut démontrer les différences raciales par la génétique.
Une vision très sombre de l’avenir
Dès lors, les perspectives d’avenir sont claires. Guerre il y aura, il faudra choisir son camp et seuls les meilleurs survivront. «C’est horrible de dire ça, mais vu ce qui va nous arriver sur la tronche, les peuples européens se réuniront sûrement face à l’adversité et la sélection naturelle brutale. On aura peut-être 50, 80% de pertes sur les 20 ou 30 prochaines années, mais ce qui ressortira, c’est un peuple qui aura conscience d’être un même peuple.» Une vision très sombre. Reste à savoir dans quelles proportions elle infusera dans les conclusions attendues pour début 2018 du groupe de travail mis en place par Oskar Freysinger.
RÉACTION
«Je ne comprends pas pourquoi on l’associe à l’extrême droite»
Oskar Freysinger, partagez-vous la théorie de votre consultant Piero San Giorgio qui prédit d’ici à 2025 un effondrement mondial économique, énergétique et politique?
Je ne l’espère pas. Mais je ne l’exclus pas. Car aujourd’hui, le système financier mondial joue au jeu de l’avion. Les banquiers avec qui je parle ne se demandent pas si la crise financière globale aura lieu, mais quand. Peut-être que l’élection de Trump peut changer les choses. On verra.
Ça ne vous dérange pas qu’il soit proche des milieux d’extrême droite et qu’il donne des interviews au blogueur fasciste revendiqué Daniel Conversano?
S’il donne des interviews, ça ne veut pas dire qu’il épouse les théories de son interlocuteur. Je parle toutes les semaines à Esther Waeber-Kalbermatten et je ne suis pas socialiste. Je ne comprends pas pourquoi on l’associe à l’extrême droite. Mais de toute façon, aujourd’hui, cette insulte-là ne porte plus.
Vous avez lu beaucoup de ses écrits…
J’ai lu l’un de ses livres. Et notre rencontre m’a convaincu de le prendre comme expert externe dans notre démarche. Je ne le regrette pas du tout.
Dans cette interview, il parle de guerre et dit que les peuples européens réunis auront peut-être 50, 80% de pertes, mais ressortiront avec la conscience d’être un même peuple. Vous partagez?
Je pense qu’en cas de grosse crise, si l’Etat français n’arrivait, par exemple, plus à financer l’assistance sociale dans les banlieues, la violence urbaine serait très forte.
Mais là vous parlez des banlieues françaises, pas de Wissigen ou de Vernamiège…
Vous savez à combien de kilomètres on se trouve de la frontière française… J’ai été élu pour prévoir même le pire. Je mets donc en place les éléments pour être le mieux préparé possible.
Vous êtes surtout en train de préparer votre campagne électorale…
Ça dépasse largement ce cadre, car on a commencé les travaux il y a une année et ils se termineront en 2018.
Vous avez lancé votre blog de campagne avec cette conférence de presse filmée…
Je vais intervenir tous les mardis à travers ce blog et j’ai trouvé judicieux de commencer par cette problématique. VINCENT FRAGNIÈRE