Newsnet: L’artiste blessé à la Fête de la musique à Genève en 2012, sera jugé en 2015. Deux prévenus initiaux, suspectés de l’avoir violenté, seront assis à ses côtés.
La justice genevoise a bouclé son enquête sur l’agression au couteau survenue en 2012 lors de la Fête de la musique aux Bastions. L’acte d’accusation, que nous nous sommes procuré, révèle deux coups de théâtre: le chanteur du groupe Faute de Frappe poignardé à trois reprises cette nuit-là se retrouvera, lui aussi, sur le banc des accusés l’an prochain. Prévenu de rixe, ce Suisse de 35 ans devra donc s’asseoir à côté de D. et L. qu’il considère pourtant comme ses agresseurs.
Agression politique Seconde surprise de taille, D. et L., qui seraient des sympathisants d’extrême droite, voient leurs charges «allégées». Il n’est plus question pour la procureure Rita Sethi-Karam de les poursuivre aujourd’hui pour tentative de meurtre: L., né en 1985, est renvoyé en jugement notamment pour rixe. D., qui selon l’acte d’accusation émis en novembre, «a asséné plusieurs coups de couteau» au chanteur, un punk d’extrême gauche, devra répondre de lésions corporelles simples et de tentative de lésions corporelles grave.
Enfin, ce duo, un Français et un Suisse, devra également répondre d’une infraction à la Loi fédérale sur les armes, la police ayant retrouvé chez eux «des armes prohibées». Outre une matraque, des cartouches ou un couteau automatique, les agents ont aperçu chez D. des drapeaux aux emblèmes nazis. Contestant être fasciste, il estime que son camarade l’est et qu’il porte des tatouages avec des emblèmes d’extrême droite. L. se définit, lui, comme nationaliste, même s’il admet avoir posé aux côtés d’un militant italien de Casapound, un mouvement qui se targue d’incarner le fascisme du IIIe millénaire.
«Qu’est-ce que tu fous là?» L’acte d’accusation revient sur les épisodes du 23 juin 2012. Il est environ 1 h du matin. D. et L. se rendent aux Bastions avec des amis. Ils s’approchent du concert du groupe du chanteur punk. Selon le Parquet, le public est d’extrême gauche alors que les deux prévenus sont considérés «par ce public comme des néonazis […] dangereux cherchant la bagarre».
Après le concert, un spectateur s’adresse à L. «Ça va? Qu’est-ce que tu fous là!» Une baston éclate entre une dizaine de personnes des deux groupes antagonistes, note l’acte d’accusation. Selon le document, L. a pris part au déclenchement de la bagarre avant de fuir et de trouver refuge dans un stand de nourriture.
D., qui a reçu des coups de ceinture «par des personnes non identifiées», est suspecté d’avoir poignardé le chanteur à la jambe et au ventre, lui causant notamment «une plaie abdominale et une perforation de la poche intestinale». Le chanteur a été conduit aux Urgences. «Dans un état critique, comme lui ont dit les secours, précise son avocat Me Nicola Meier. Il a demandé au personnel soignant de saluer une dernière fois ses proches. Il s’en est sorti, après une opération et trois jours d’hôpital, mais il a une cicatrice de 40 centimètres au ventre.»
A l’époque du drame, l’émotion est très vive. Plus de 300 personnes ont manifesté dans les rues de Genève, avec le père du chanteur, pour protester contre «cette agression et la montée du fascisme». La décision du Ministère public genevois risque aujourd’hui de fort les décevoir: «Il a asséné plusieurs coups de poing à D., écrit la procureure qui reproche au chanteur d’avoir pris part à une bagarre impliquant une dizaine de personnes.» Me Magali Buser, avocate de D., salue «ce nouveau développement» dans cette affaire. Défenseur de L., Me Mike Hornung est également satisfait: «Il est reconnu que mon client n’a poignardé personne. Il l’avait d’ailleurs toujours dit.»
Me Meier, lui, est scandalisé: «Deux ans que ce dossier traîne, sans aucune audience ni nouvelle enquête, quand cet automne, dans un soubresaut incompréhensible, la procureure décide de faire de la victime un prévenu! Mais sur la base de quoi? Fallait-il qu’il reste les bras en croix, souriant, alors qu’on était en train de l’éviscérer?»