Mobilisée contre la venue d’Alain Soral à Genève, la gauche a maintenu son rassemblement ce samedi après-midi, en dépit de l’annulation de la conférence que l’essayiste franco-suisse devait tenir dans la soirée avec le cheikh Imran Hosein sur «l’après Pax Americana». Leurs propos ont finalement été diffusés dans l’après-midi sur Internet. Malgré ce repli, plus d’une centaine de personnes se sont réunies, place des Grottes, afin de s’opposer aux idées d’Alain Soral et, plus largement, à l’extrême droite et aux politiques d’austérité menées dans le monde.
Fondateur de l’association Egalité et Réconciliation, Alain Soral est un ancien communiste qui a conseillé le Front national puis s’est rapproché de Dieudonné. Ses propos antisémites lui ont valu plusieurs condamnations en justice. Ce n’est pas la première fois que sa venue crée la polémique à Genève.
«La mobilisation de la gauche a joué», salue Arnaud, 20 ans, étudiant en relations internationales à Genève. A ses côtés, Adèle, étudiante en sociologie, et Maëlle, auteure de bandes dessinées, s’inquiètent de l’antisémitisme et de la montée du Front National en France. Plus loin, Isabelle, enseignante de 47 ans, est venue avec son fils de 8 ans. «Ces idées font vraiment peur. Il faut se mobiliser contre tous ces gens qui les véhiculent. On se plaint de Trump, mais les mêmes choses se passent ici: regardez le vote contre les minarets, les renvois de réfugiés, le vote contre l’immigration de masse. On ne fait pas mieux!» Mère d’adolescents, elle s’inquiète de la faible mobilisation: «A une époque, il y aurait eu beaucoup plus de jeunes. J’aimerais qu’ils ouvrent les yeux et qu’ils ne soient pas indifférents à ce qui se passe.»
La Suisse, terre d’accueil de l’extrême droite?
Faut-il être intolérant avec les intolérants et les interdire de parole? «Nous n’avons pas appelé à l’interdiction de la conférence, mais à une mobilisation contre Alain Soral et ses idées, c’est complètement différent», précise Jean Burgermeister. Ce membre de SolidaritéS s’inquiète: «Il y a une volonté de faire de la Suisse un endroit où l’extrême droite peut se réunir tranquillement car s’y répand un discours islamophobe, opposé aux migrants et favorable à la préférence cantonale». Evoquant le concert d’Unterwasser qui a réuni 5000 néonazis dans le canton de Saint-Gall le 15 octobre, le jeune homme ajoute que Résistance helvétique a prévu une conférence à Lausanne le 19 novembre et qu’Egalité et Réconciliation veut revenir à Genève dans deux semaines.
Pourquoi ce discours porte-t-il? «Il y a un vrai désespoir, un vrai découragement face à des politiques d’austérité contre lesquelles on nous dit qu’il est impossible de lutter», analyse le jeune homme, qui fustige «le néolibéralisme qui a individualisé la société». Pour Jean Burgermeister, si «les organisations d’extrême droite se présentent comme des forces «antisystème», leurs idées – racisme, sexisme, homophobie – sont les meilleures armes des gouvernements néolibéraux. Elles divisent la société pour empêcher toute réponse collective aux politiques d’austérité. On dresse les hommes contre les femmes, les hétéros contre les homos, les salariés contre les étrangers. Lutter contre l’extrême-droite, c’est lutter contre ces fausses solutions.»
«Incroyable imposture»
Evoquant l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis , Davide De Filippa, secrétaire général adjoint du syndicat SIT, fait un parallèle avec l’Europe. «Trump, comme Blocher, Berlusconi ou d’autres, ces milliardaires réussissent l’incroyable imposture de faire croire qu’ils défendent le peuple, en leur faisant croire qu’ils ont besoin de sécurité contre l’envahisseur, plutôt que de protection contre les exploiteurs.» Le syndicaliste déplore la défaite de la gauche et invite à résister. Comme son collègue de SolidaritéS, il appelle à la mobilisation et prône la solidarité pour tous les travailleurs sans distinction de nationalité. (24 heures)
(Créé: 12.11.2016, 17h51)