Le Temps: ANTI-ISLAM Le groupe proche de l’extrême droite avait obtenu une autorisation de manifester le 3 février. Elle lui est retirée. Cela calmera-t-il les ardeurs du mouvement et de ses adversaires de l’extrême gauche?
Bâle redoute que ses rues ne s’enflamment, à deux semaines du carnaval. La police cantonale a décidé de retirer des autorisations de manifester, délivrées dans un premier temps au mouvement anti-islam Pegida Suisse, ainsi qu’à une alliance de contre-manifestants menée par les Jeunes socialistes (Juso) les Jeunes Verts bâlois. Les deux camps devaient se retrouver sur la place du Marché, à côté de l’Hôtel de Ville, le 3 février.
Les forces de l’ordre justifient leur décision en indiquant avoir découvert que «des groupes violents venant de Suisse et de l’étranger» prévoient de se joindre aux manifestations. Pas sûr, pourtant, qu’une interdiction suffise à calmer les velléités des uns et des autres. «Nous irons dans la rue, autorisation ou non», affirme le président de Pegida Suisse, Mike Spielmann, dénonçant une atteinte à la «liberté de rassemblement»: «La Suisse est le seul pays en Europe où nous ne sommes pas autorisés à manifester.» A ses yeux, la police a «volontairement autorisé les deux camps à se rassembler en même temps sur la même place, afin de mieux justifier l’interdiction ensuite».
2000 participants escomptés
Le mouvement anti-islam comptait mobiliser environ 2000 participants au centre de Bâle pour «éveiller la conscience des gens sur le danger de l’islamisation». En face, une page Facebook appelant à une contre-manifestation rassemble elle aussi quelque 2000 personnes. Un appel également relayé par des groupes antifascistes. «Si Pegida persiste à vouloir défiler dans la rue mercredi prochain, il y aura certainement une réaction», indique Beda Baumgartner, président des Jeunes socialistes de Bâle-Ville.
L’affrontement se préparait depuis plusieurs semaines déjà. «Cette fois, nous avons réussi!» se félicitait le groupe dans un communiqué le 8 janvier, après avoir obtenu le droit de manifester à Bâle pour la première fois, après 17 tentatives avortées dans toute la Suisse: jamais encore le mouvement n’avait reçu de feu vert officiel. Eric Weber, député au Grand Conseil bâlois, à la tête d’un groupuscule d’extrême droite, avait le premier obtenu l’autorisation de manifester au nom de Pegida, en décembre.
Il avait réussi à braquer les projecteurs médiatiques sur ce qui ressemblait de plus en plus à une grand-messe populiste au cœur de Bâle, avec plusieurs meneurs d’extrême droite en guise d’invités, comme le révélait la presse alémanique au début du mois: l’ancien chef du Front national Jean-Marie Le Pen, le membre d’un parti néonazi allemand, Karl Richter, ou encore Mario Borghezio, député européen de la Ligue du Nord italienne. Le président de Pegida Suisse tient aujourd’hui à prendre ses distances: «Eric Weber est seul responsable de ces invitations. Nous n’avons rien à voir avec des néonazis ou des négationnistes», dit-il.
Les débordements en marge des récentes manifestations Pegida en Allemagne ne sont certainement pas pour rien dans la volte-face des autorités de Bâle. Le 9 janvier, quelques jours après la vague d’agressions commises sur des femmes durant la nuit du réveillon à Cologne, le groupe anti-islam appelait à manifester en masse dans la ville. Hooligans et néonazis s’étaient joints au cortège, finalement dispersé par la police à l’aide de canons à eau et de gaz lacrymogènes.