Jean-Jacques Charrère
«Tout ce qui est bon pour les Africains, c’est le Zyklon B», et «Du Zyklon B pour les enfants juifs!» Les CD, revues et autres cassettes vidéo diffusés par deux skins de Neuchâtel ne trompaient pas sur la marchandise. Les clients en avaient pour leur argent. Combien de CD à caractère raciste ce couple jugé hier par le Tribunal correctionnel de Neuchâtel a-t-il mis sur le marché? Cinq mille, dix mille, quinze mille? On ne le saura jamais exactement. L’essentiel, c’est que ces marchands de haine ont été condamnés. O.K., qui n’aime pas les étrangers de couleur et les juifs, a déjà comparu devant les tribunaux pour des actes de discrimination raciale. C’était l’un des organisateurs du concert skinhead organisé à Chézard, il y a trois ans. Il s’en était tiré avec 100 francs d’amende pour avoir vendu des boissons alcoolisées sans autorisation! Le concert réunissant une centaine de crânes rasés était privé. Cette fois, la diffusion de milliers de CD racistes tombe sous le coup de la loi qui réprime les actes de discrimination raciale. En mars 1999, la police avait saisi quelque 5000 CD au domicile d’O.K. Il diffusait un catalogue des titres disponibles, racolait sur Internet, et sa compagne s’occupait des envois postaux. Six mois plus tard, alors que l’enquête suivait son cours, une firme argovienne, à laquelle le couple avait confié le pressage de milliers de CD du même tonneau, le dénonçait à la justice. Ces disques, au moins 12 000 pièces, étaient destinés au marché américain, danois et allemand. C’est Madame, blonde avec des tresses à la Viking, qui s’occupait des relations avec le fabricant de CD. Textes «haineux» Pour Geneviève Calpini-Calame, présidente du Tribunal correctionnel, «le couple n’a pas hésité à diffuser de manière importante des textes haineux». La défense était représentée par Me Pascal Junod, de Genève, qui a relativisé les faits en relevant, entre autres choses, que les skins ne sont pas des casseurs, au contraire de l’extrême gauche. Le procureur Pierre Cornu a répliqué en affirmant qu’il ne peut pas «admettre la propagation d’idées prônant la barbarie». O.K. a été condamné à 12 mois de prison avec sursis pendant cinq ans. Le sursis pour une condamnation à 20 jours de prison dans une autre affaire est tombé. Il ira donc en prison. Quant à son épouse K.K., de nationalité polonaise, elle écope de 6 mois avec sursis, et échappe à l’expulsion du pays prononcée pour cinq ans, mais avec un sursis pendant trois ans…